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Le masque de protection fait maison, une « fausse bonne idée » ?

Face à la propagation du coronavirus, certains médecins incitent des patients à se faire eux-mêmes des masques lavables, quand d’autres voix commencent à s’élever contre ces initiatives.

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Publié le 19 mars 2020 à 14h05, modifié le 04 août 2020 à 12h10

Temps de Lecture 4 min.

Attention, cet article date du début de l'épidémie

Cet article a été écrit en mars avec les informations disponibles à l'époque et alors que le stock de masques était insuffisant. Depuis, la situation a changé, le discours des autorités et les connaissances scientifiques aussi. Le port du masque grand public est obligatoire depuis le 20 juillet dans tous les lieux clos recevant du public et, depuis le 30 juillet, il peut être imposé dans des lieux publics ouverts, comme la rue ou les plages. Retrouvez toutes les questions pratiques ici : Nos réponses à vos questions sur les masques.

Les patrons, « tuto » et conseils divers pullulent pour fabriquer des masques de protection qui manquent tant à ceux qui en ont le plus besoin. Cette solidarité et ces bonnes intentions se rencontrent par dizaines dans de nombreux appels de particuliers ou de groupes de discussion à des couturiers et couturières pour fournir des protections aux infirmiers libéraux, caissiers, employés de l’agroalimentaire…

Pourtant, la situation est loin d’être claire : certains médecins incitent des patients à se faire eux-mêmes des masques lavables, quand d’autres voix commencent à s’élever contre ces initiatives, arguant de l’inutilité, voire de la dangerosité, de proposer de tels dispositifs artisanaux. Le centre hospitalier de Strasbourg explique ainsi : « Nous n’acceptons pas ces masques qui ne sont pas utilisables en milieu hospitalier ni ailleurs, car ils ne procurent pas une protection certaine. »

1. Les masques sont réservés aux malades et aux soignants

Les autorités de santé l’ont répété depuis le début de la crise : les masques ne sont pas utiles aux personnes qui ne sont pas ou ne se sentent pas malades, dès lors que le confinement est effectif. « Ces masques sont mal portés, mal utilisés, ils manquent aux soignants », a rappelé le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, mardi 17 mars.

Les masques sont réservés aux malades, à ceux qui assurent les transports sanitaires et, évidemment, aux personnels soignants. Ils sont à usage unique, doivent être jetés au bout de quelques heures et répondre à des normes spécifiques de fabrication. « La législation sur les masques est extrêmement contraignante avec une définition précise de la taille des pores, le type de germe filtré, le sens (de dedans en dehors pour ne pas transmettre, ou de dehors en dedans pour ne pas attraper), la durée d’utilisation… », rappelle Jean-François Bergmann, professeur émérite à l’université de Paris et ancien responsable de la médecine interne de l’hôpital Lariboisière.

En Alsace, plusieurs entreprises ont proposé de donner aux hôpitaux des masques industriels, mais ceux-ci sont avant tout destinés à éviter les poussières et « disposent de valves permettant une meilleure circulation de l’air, ce qui les rend impossibles à utiliser dans des salles de réanimation », explique une infirmière.

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En effet, tous les types de masques n’ont pas les mêmes caractéristiques ni le même usage. Par exemple, le masque de protection respiratoire individuelle (FFP2), qui comporte un système de filtration, doit être réservé aux situations d’exposition particulière à risque (intubation, ventilation, prélèvement respiratoire, endoscopies, kinésithérapie…), recommande la Haute Autorité de santé. Il faut « considérer que le masque de protection respiratoire filtrant FFP2 est difficile à porter toute la journée et qu’un masque chirurgical bien porté est plus adapté qu’un masque FFP2 incorrectement porté », ajoute l’institution.

2. Les masques « faits maison » en tissu ne protègent pas efficacement

Dans son avis du 14 mars, la Société française d’hygiène hospitalière indique qu’il faut « éviter d’utiliser d’autres types d’écrans à la place des masques chirurgicaux (masques en tissu, masques en papier, chiffons noués derrière la tête) du fait de données scientifiques concernant leur efficacité (étanchéité) très rares ».

Le professeur Pascal Astagneau, médecin infectiologue à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, va plus loin : « C’est une fausse bonne idée » qui peut avoir un effet « contre-productif », a-t-il expliqué sur l’antenne de France Inter, si l’on se croit protégé alors que le tissu n’est pas efficace ou que les masques en tissu ne sont pas lavés régulièrement ou encore qu’ils ne sont pas bien fixés sur le visage.

Pour son confrère le docteur Stéphane Gayet, du CHRU de Strasbourg, il faudrait glisser dans le tissu un matériau permettant une filtration microscopique qui arrête les microgouttelettes émises par la toux, la parole forte ou un éternuement, par exemple du feutre. « Mais une simple pièce d’étoffe, c’est une illusion totale », juge l’infectiologue.

3. Certains masques en tissu pourraient aider dans des situations précises

Tous les masques ne sont pas à jeter pour autant et certains, non homologués, peuvent dépanner. C’est ainsi qu’une PME de la Loire, spécialisée dans le jacquard et la fabrication de pochons et sacs, s’est lancée dans la production à grande échelle de masques en tissu : « Nous avons montré des prototypes à différentes autorités et, après conseil, avons rajouté une partie molletonnée à l’intérieur », détaille son directeur Eric Boël. Contactée, la direction générale de la santé n’a pas répondu à nos questions sur l’encadrement d’une telle production.

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M. Boël s’apprête à fournir hôpitaux, Ehpad, usines agroalimentaires, pharmacies… tout en précisant bien qu’il s’agit d’une alternative en cas d’absence de masque normalisé. Une précaution qu’avait déjà prise le CHU de Grenoble dont le « patron pour masque de soin en tissus » a été très partagé par les internautes : c’est « une option complémentaire pour ceux qui le souhaiteraient et qui ne sont pas en contact direct avec des patients », a défendu l’établissement.

Les masques artisanaux devraient être là pour économiser les « bons » masques, résume M. Bergmann. Ces masques sont « acceptables pour les sujets asymptomatiques qui ont vraisemblablement une charge virale plus faible (ou nulle) », à condition toujours qu’ils soient posés sans espace libre au niveau du nez ou du menton ou des joues.

En résumé, seuls les masques normés sont valables pour les malades (suspectés, testés…) et les soignants. Pour tous les autres, y compris les personnes en lien avec du public, respecter les distances de sécurité, se laver les mains et éternuer et tousser dans son coude, restent des moyens plus sûrs de se tenir à distance du virus que se couvrir d’un masque fait maison, peu efficace et faussement rassurant.

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